En RDC, les rwandophones, de part et d'autre de la frontière artificielle, sont repartis en autochtones, transplantés des années 1930 à 1950 et les réfugiés de 1959.

On aurait pu s'attendre à ce que cette question ne se posa pas après la Table Ronde de Bruxelles qui réglait les choses en des termes suffisamment clairs : seront réputées congolais, toutes les personnes installées sur le territoire congolais à la date du 30 juin 1960.

Mais à peine l'indépendance proclamée, les troubles et les ambitions cherchent à morceler le pays.

Le Nord Kivu connaitra la révolte dite de kanyarwanda. L'ironie veut que ce soit les rwandophones qui s'étaient opposés au mouvement d'autonomie des provincettes.
Pour mémoire et en hommage, il y avait entre autre Rwakabuba Cyprien, Emmanuel Rwiyereka, Helman Habarugira et bien d'autres.

Le fait que les banyarwanda de la RDC soient constitué à l'identique et naturellement comme ceux du Rwanda relève de l'évidence.

Il va de soi que les événements politiques successifs survenus au Rwanda aient eu un écho au sein de cette communauté.

Ainsi, le Président du Rwanda, Habyarimana va financer la création de la mutuelle des agriculteurs virunga, MAGRIVI. Avec la particularité d'être composée exclusivement des hutus.

Avec son service de renseignement à la manœuvre, l'argent du Rwanda va couler à flot dans le Nord Kivu et déchirer le tissu social.

Cette mutuelle va s'atteler à recycler les théories et clichés coloniaux des hamites et des bantous.

Elle va propager, avec zèle, ces théories purement racistes sans aucun fondement scientifique ni sociologique qui consiste à l'attribution d'une nature biologique aux tutsis et hutus qui aurait une réalité matérielle.

Pire, cette nature aurait des effets sur les comportements, le caractère et même la manière d'agir.

On est là face à des manipulations des identités et des stéréotypes qui sont perçus par le citoyen lambda comme des obstacles voire une menace.

Ces stéréotypes, on le sait, sont structurants, renforcent la méfiance et constituent un levier psychologique que les politiciens utilisent pour rallier la population à leur cause.

Exposés pendant longtemps à ces amalgames, beaucoup ont fini par les intérioriser de telle sorte que cela affecte négativement leur comportement face au tutsi.
Lequel est perçu comme un étranger ayant usurpé les droits des congolais.

Celui par qui provient tous les maux de la société.

L'instrumentalisation de cet imaginaire qui mêle amalgames, contre-vérités et falsification des faits historiques sera le terreau de la cristallisation des drames récurrents. C'est cela qui alimente les conflits.

Ces manipulations constituent des marches pieds pour certains afin d'accéder au pouvoir politique, à une zone d'influence et aux ressources.

Comment ne pas avoir mal à son pays, quand on constate avec amertume, que les personnes sensées réfléchir, analyser, se laissent aller aux préjugés et autre falsifications des faits historiques et l'assumer.

Ces personnes qui auraient dues prendre le devant et dénoncer la paupérisation de la population, la corruption devenue endémique, les détournements massifs, la démission de l'Etat des services sociaux de base.

Le mouvement de révolte devrait mobiliser toutes les strates de la société contre un système politique dévoyé. Cette fronde aurait un sens.

Mais on a oublié qu'ignorance et mauvaise foi font des ravages en RDC. On va alors opter allégrement pour la poursuite du bouc émissaire. Quel raccourci, quel gâchis.
J'en suis ébahi et sidéré à la fois. Car je ne vois aucune issue qui pourra, à moyen terme, lever ces barrières psychologiques et sociales pour rebâtir le vivre ensemble.

Difficile dans ce sentimentalisme d'engager une réflexion collective autour des enjeux et défis de la paix dans cette région meurtrie par des conflits qui ont emporté des milliers des vies humaines.

Et l'histoire de la RDC n'a jamais été aussi présente dans les esprits et, en même temps, elle n'a jamais eu autant de visages.

Il y eut la petite nationalité de 1982, la nationalité douteuse de la conférence nationale souveraine en 1990, puis les Bangirima dans le Masisi en 1992.

Enfin vinrent les interahamwe en 1994. Après le génocide des tutsis au Rwanda, la politique de la terre brulée, va amener avec elle a l'Est de la RDC l'idéologie ainsi que l'appareil génocidaire et ses cruautés.

Je me désole que dans ce pays on en arrive à banaliser les traitements inhumains et dégradants depuis 1994. On y perpétue les dérives criminelles et la matrice idéologique du génocide.

Car la faiblesse, sinon l'inexistence des structures étatiques a empêché tout moyen de lutter contre la stigmatisation, l'exclusion et les instrumentalisations des identités dont l'amplification s'est convertie en violence.

Et le pouvoir politique s'offre une posture victimaire qui s'accommode mal avec les potentialités dont regorge ce vaste pays.

Une posture qui tente de dissimuler l'inexistence des politiques publiques, de gouvernance et la prise en otage de la population.

Et on multiplie les incantations avec des prémisses fausses, afin de mobiliser des soutiens populaires sur une base identitaire.

En définitive, comment prescrire une thérapie efficace tant qu'on refuse de diagnostiquer la nature profonde d'une maladie dont on ne perçoit que les symptômes.

La classe politique sacrifie la RDC sur l'autel de la corruption et personne pour protéger le citoyen congolais de cette prédation.

Et le pays s'enfonce dans une perte d'identité malgré ses atouts extraordinaires.
Et j'ai mal d'assister au délitement de ce grand et majestueux République Démocratique du Congo.

C'est cela qui me désole profondément et j'ai mal à mon pays la RDC.
Puis je me permettre de laisser la conclusion à Voltaire qui disait : "ceux qui peuvent vous faire croire à des absurdités, peuvent vous faire commettre des atrocités" et cela se vérifie quotidiennement en RDC.

J'ai mal à mon pays la RDC.

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/J-ai-mal-a-mon-pays-la-RDC.html