Il y a plus ou moins la moitié d'une décennie, c'était encore l'un des opposants farouches, réfractaires au régime de l'ancien Président Joseph Kabila, alors au terme de son mandat. Après l'accord de Genève qui a abouti à un clivage du bloc de l'opposition en 2018, Martin Fayulu est devenu le principal challenger de Félix Tshisekedi à la présidentielle de la même année, le scrutin que " FATSHI " va finalement remporter.

Le patron de l'ECiDé (Engagement pour citoyenneté et le développement), le parti politique dont il est le président, avait fini deuxième avec 34,8% des voix. Et pendant le quinquennat du Président Félix Tshisekedi, Martin Fayulu n'a fait qu'insister sur le fait que c'est lui le " président élu " et que sa victoire lui a été volée. Depuis lors, l'homme politique mène son combat pour " la vérité des urnes " et en a fait le leitmotiv contre le premier mandat du régime Tshisekedi.

Et maintenant ?

La présidentielle du 20 décembre dernier qui a vu le Président sortant Félix Tshisekedi rafler une large victoire écrasante (73%), a livré un autre Fayulu, avec une aura inhabituelle. Tenez, l'opposant a été crédité d'environ 5 % des voix, occupant la troisième place, juste derrière l'ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi (18%). Une disgrâce qui pourrait présager des choix politiques mal jaugés par l'opposant.

Que devient l'homme politique maintenant que son plus grand rival en est à sa réélection ? Quelle stratégie va-t-il mettre en place pour subsister à l'hégémonie tshisekediste qui ne cesse de galoper ?

Des tergiversations

En juillet 2023, soit cinq mois avant les élections générales prévues le 20 décembre en République démocratique du Congo (RDC), au sein d'une opposition divisée, Martin Fayulu tient tout le monde en suspens : il reste toujours serein sur son choix de ne pas participer aux élections, n'accordant aucun crédit au fichier électoral de la CENI chapeautée par Dénis Kadima, qui, pour lui, travaille au profit de son rival, le Président sortant Félix-Antoine Tshisekedi.

En ce temps, le Front Commun pour le Congo (FCC), regroupement politique de l'ex-président Joseph Kabila, est de même avis que l'ECiDé. Tous deux s'érigent à boycotter ce fichier électoral, ainsi en est-il de chaque partisan de ces deux familles politiques.

Sa volte-face ne durera pas longtemps : le mot " boycott " n'a jamais fait partie de son vocabulaire. Dans une interview accordée à Jeune Afrique, il revient sur ses dires : " Je suis candidat pour le scrutin présidentiel de décembre 2023. Mais nous irons aux élections crédibles, transparentes, impartiales, inclusives et apaisées ". Les journaux paraissant à Kinshasa tombent sur ses indécisions. Les quotidiens La Prospérité et Le Potentiel pointent également son manque de décision.

Les conséquences

Ses choix politiques soudains ne lui ont-ils pas coûté la perte de son titre de " leader de l'opposition " ? Nonobstant ses critiques cinglantes à l'endroit du président de la CENI Dénis Kadima, Fayulu a quand-même déposé sa candidature au scrutin présidentiel des élections du 20 décembre. Le bémol est qu'il s'est embarqué dans la compétition sans alliés, sans aucun candidat aux législatives â€" car tous, obéissant à son mot d'ordre de rester en retrait, ont dépassé le délai de dépôt candidature fixé par l'organe électoral.

Cependant, son ancien allié avec qui ils ont évolué dans la plateforme Lamuka, Moïse Katumbi, bénéficie de plusieurs désistements des autres candidats présidents de l'opposition en sa faveur. Ces candidats sont entre autres l'ancien Premier ministre Matata Ponyo, Delly Sessanga ou encore le jeune businessman, Seth Kikuni.

D'entrée de jeu , mais surtout de la volonté politique â€" bien que pas bien au-delà de l'ardeur aspirée par le Président en exercice ayant la majorité au pouvoir â€" ont plus ou moins porté leurs fruits pour le camp de l'ancien gouverneur du Katanga. Ce qui a également valu au millionnaire katangais le titre d'adversaire du potentiel du candidat Président sortant, Félix Tshisekedi. Les résultats de la présidentielle, qui plus est, confirment les faits : Tshisekedi rafle largement la victoire avec 73% des voix contre 18% pour Katumbi, alors que Fayulu se contente de 4%.

Et s'il saisissait enfin la main de Tshisekedi ?

Dans son discours lors de la cérémonie d'investiture du 20 janvier dernier, le président de la République nouvellement élu a dévoilé les chantiers de son mandat. Saluant le rôle joué par ses adversaires politiques lors de l'élection présidentielle de décembre, le Chef de l'Etat n'a pas écarté la possibilité de travailler avec l'opposition.

" Vous [les opposants] êtes donc une composante consubstantielle à l'évènement de ce jour et vous avez, à juste titre, votre place dans la gouvernance de notre pays. En ma qualité de garant de la cohésion nationale, j'y veillerai; au même titre que j'exhorterai au Parlement d'assurer l'effectivité du rôle de Porte-parole de I'Opposition, que cette dernière voudra bien désigner, conformément à la Constitution ", avait déclaré le président de la République.

Des propositions qui ont rencontré l'assentiment de Prince Epenge. En réaction, ce cadre de la coalition Lamuka et proche de Martin Fayulu, pense que l'idée de discuter, tel que Félix Tshisekedi le préconise, est envisageable pour sa famille politique.

" Nous sommes d'accord mais discuter pour dégager les responsabilités par rapport au chaos électoral qui a semé la désolation et le désespoir au sein de notre peuple ", a déclaré l'un des porte-paroles de Lamuka. Pour lui, cette rencontre doit tourner autour des discussions entre toutes les parties prenantes pour dégager les responsabilités des uns et des autres dans ce qu'il appelle le " chaos électoral ".

Va-t-il finalement saisir la main tendue de Félix Tshisekedi ? Préférera-t-il rester en retrait ? A quand sa prochaine " future " volte-face ? Ce sont des questions qui restent encore sans réponse mais seul l'avenir en dira plus.

Odon Bakumba

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