Il critique particulièrement le rejet implicite par le pouvoir de l'initiative de dialogue lancée par les principales confessions religieuses du pays : la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l'Église du Christ au Congo (ECC).
'Si c'était dans l'intérêt du pays, Tshisekedi soutiendrait l'initiative de la CENCO-ECC. Cependant, il agit uniquement pour protéger son pouvoir, et non pour le Congo', a déclaré Kikuni, dans un ton qui reflète une frustration croissante au sein d'une partie de la classe politique congolaise.
Depuis plusieurs mois, la CENCO et l'ECC plaident pour un dialogue national inclusif réunissant les forces politiques, religieuses, sociales et militaires pour traiter les crises récurrentes : insécurité à l'Est, méfiance électorale, corruption, crise économique, et perte de confiance des citoyens envers l'État.
Le président Tshisekedi, réélu en décembre 2023 dans un scrutin controversé, n'a pas officiellement rejeté l'initiative, mais son silence prolongé et ses déclarations récentes soulignant qu'" il n'y a pas de crise " laissent entendre qu'il n'y donnera pas suite. Pour Seth Kikuni, cette attitude traduit une obsession pour le pouvoir au détriment du bien commun :
'Ce pouvoir a peur de toute démarche qui pourrait aboutir à une remise en question de sa légitimité, même au nom de l'unité nationale.'
Seth Kikuni a également profité de cette sortie pour adresser une mise en garde stratégique à Félix Tshisekedi, qu'il accuse de surestimer le soutien militaire américain dans le conflit opposant la RDC au Rwanda et aux groupes armés opérant à l'Est.
'Il se trompe s'il pense que les Américains enverraient leurs soldats pour combattre le Rwanda, compte tenu des faits historiques liés au génocide.'
Cette remarque renvoie à un passif diplomatique complexe : les États-Unis ont, depuis le génocide de 1994, construit une alliance solide avec Kigali, considérant Paul Kagame comme un acteur clé de la stabilité régionale. Cette relation a souvent suscité la frustration des autorités congolaises, qui estiment que la communauté internationale ferme les yeux sur les soutiens rwandais présumés aux groupes armés comme le M23, responsables de massacres et déplacements massifs dans les provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu.
Les propos de Kikuni traduisent un malaise grandissant parmi les opposants, mais aussi au sein de la société civile. Le président congolais, qui s'est récemment rapproché de certaines puissances occidentales comme les États-Unis et la France dans le cadre de la lutte contre les groupes armés, semble de plus en plus isolé sur le plan interne. Il est accusé d'utiliser le conflit à l'Est pour renforcer son pouvoir et détourner l'attention des problèmes sociaux et institutionnels : inflation, pénuries, détérioration des infrastructures, et crise de légitimité électorale.
De plus, la militarisation du discours présidentiel, avec des appels à la mobilisation populaire et des mesures d'exception dans les zones de conflit, inquiète une partie des acteurs religieux et politiques qui y voient une fuite en avant sécuritaire, potentiellement dangereuse pour la démocratie congolaise.
Si Seth Kikuni n'est pas aujourd'hui à la tête d'un grand mouvement structuré, ses propos rencontrent un écho croissant chez une jeunesse urbaine éduquée, fatiguée des promesses non tenues et désabusée par les élites traditionnelles. Sa capacité à poser des sujets tabous â" notamment sur les limites du soutien américain ou sur l'échec de la stratégie militaire  le place parmi les voix émergentes d'une opposition en mutation.
D'autres figures, comme Martin Fayulu, Moïse Katumbi ou Delly Sesanga, ont également exprimé leur soutien à un dialogue national, mais sans coordination formelle à ce stade. L'échec d'une opposition unie face à Tshisekedi en 2023 a laissé des traces, que l'initiative CENCO-ECC pourrait cependant contribuer à panser.
Dans un contexte de forte tension intérieure et régionale, les propos de Seth Kikuni sonnent comme un avertissement à la présidence : continuer à gouverner seul, sans dialogue ni consensus, pourrait aggraver les fractures nationales. Et croire en un soutien militaire occidental inconditionnel dans un éventuel affrontement avec Kigali pourrait relever d'un dangereux pari.
Dans un pays où les tragédies humanitaires se mêlent aux calculs géopolitiques, la paix durable passera peut-être, comme le suggère Kikuni, par une lucidité nouvelle sur les rapports de force à l'intérieur comme à l'extérieur.
L'article RDCâ"Rwanda : 'Les Américains ne viendront pas, Tshisekedi se trompe', selon Seth Kikuni est apparu en premier sur Kivu-Avenir.
0 Commentaires