Dans son nouveau rapport publié à travers son site internet, l'International Crisis Group, une organisation indépendante qui uvre dans la prévention des guerres et dans l'élaboration des politiques de construction d'un monde plus pacifique, tire la sonnette d'alarme sur un bon nombre de conflits meurtriers qui doivent être suivis de très près durant l'année 2023.
Pour Crisis Group, outre la terrible invasion de l'Ukraine par la Russie, plusieurs autres crises se profilent également en 2023. Sur une liste de 10 conflits à surveiller, cette organisation internationale révèle que la RDC et la région des Grands Lacs figurent sur la barre de menace sécuritaire. À en croire ce rapport, les récentes résurgences des terroristes du M23, soutenus par l'armée rwandaise, font planer des sérieux doutes sur une probable guerre régionale par procuration.
" Le M23, un groupe rebelle auparavant inactif, qui, selon des rapports de l'ONU, est soutenu par le Rwanda, fait des ravages dans l'est de la République démocratique du Congo. Les combats ont chassé des dizaines de milliers de personnes de leurs foyers et pourraient dégénérer en une guerre régionale par procuration plus large ", lit-on dans le rapport de Crisis Group.
Ces jours, les rebelles du M23 détiennent plusieurs axes stratégiques de Rutshuru et semblent entourer la capitale provinciale de Goma, au Nord-Kivu. En 2013, le groupe a été repoussé par les forces armées congolaises. En 2022, cette rébellion est désormais " bien armé et organisé ". Il comprend d'anciens soldats congolais, dont beaucoup sont des Tutsis, un groupe ethnique répandu dans les Grands Lacs d'Afrique, et professant défendre les intérêts communautaires.
Les ressources congolaises qui divisent les grands Lacs
Dans la même foulée dudit rapport consulté par POLITICO.CD, Crisis Group International renseigne cependant que la soudaine réémergence du M23 doit autant aux tensions entre les Etats des Grands Lacs qu'aux dynamiques locales. Selon la même source, Kigali est irrité des interventions militaires de l'Ouganda et du Burundi dans l'est de la RDC. Et ce, sur fond des intérêts économiques de Kagame dans l'Est du Congo.
" Le gouvernement congolais avait tenté de réaffirmer son autorité dans l'est troublé, qui abrite des dizaines de groupes rebelles, dont certains des pays voisins. L'année dernière, le président congolais Félix Tshisekedi a invité des troupes ougandaises à combattre les Forces démocratiques alliées, un groupe majoritairement ougandais qui se déclare membre de l'État islamique. Le président congolais semble également avoir discrètement approuvé les opérations burundaises sur le sol congolais. Cela a irrité le président rwandais Paul Kagame ", poursuit Crisis Group.
À l'en croire, pour Kagame cité par Crisis Group, la présence de ses voisins pourrait priver le Rwanda de son influence dans l'est du Congo, où " il a des intérêts économiques, comme le Burundi et l'Ouganda ".
Vous le savez, Kinshasa accuse Kigali de soutenir le M23 comme moyen d'extraire les ressources congolaises. Les experts de l'ONU ont récemment souligné le soutien rwandais aux rebelles, avec un rapport de l'ONU divulgué en décembre 2022 disant qu'il y avait des " preuves substantielles " que l'armée rwandaise est intervenue directement dans la lutte du Congo contre le M23 et a soutenu le groupe avec des armes, des munitions et des uniformes. Kigali rejette cependant les allégations de Kinshasa. À son tour, il accuse l'armée congolaise de travailler avec les FDLR.
La meilleure solution pour mettre fin au M23
L'option à lever, selon Crisis Group International, repose notamment dans une nouvelle probable relation bilatérale entre Kinshasa et Kigali. La force régionale de l'EAC qui uvre dans la région a pour mandat de ramener le calme. Cependant, pour cette organisation, Kigali devrait prendre part à cette force régionale en raison de son influence sur les rebelles. Chose que Kinshasa ne veut pas.
" L'adhésion du Rwanda sera cruciale, compte tenu de son influence sur les dirigeants du M23. La meilleure chance d'y parvenir réside dans la diplomatie concertée des dirigeants est-africains visant à réparer les relations entre Kagame et Tshisekedi, qui a montré quelques premiers signes de progrès, parallèlement aux efforts visant à freiner la collaboration entre l'armée congolaise et les FDLR. La force est-africaine est une opportunité, en d'autres termes, de faire place à la diplomatie autant qu'à la lutte contre le M23 ", note Crisis Group.
Et d'ajouter : " Si cette diplomatie échoue, les troupes kenyanes pourraient s'enliser dans le terrain perfide de l'est du Congo. Déjà, le déploiement de tant de forces voisines dans l'est du Congo fait courir le risque d'un retour aux guerres par procuration qui ont déchiré la région dans les années 1990 et 2000 ".
Il sied de noter que depuis près d'un an, les M23, défaits en 2013 par le feu colonel Mamadou et ses troupes des FARDC, ont repris les armes dans l'Est du pays. Ces derniers occupent des grandes agglomérations et des centres de négoce importants du Nord-Kivu. Cette semaine, ceux-ci ont annoncé leur retrait à Rumangabo, un centre stratégique de formation militaire, peu après s'être retiré à Kibumba, 25 km à la porte de Goma. Les forces armées de la RDC qualifient ce retrait " d'une simple opération de publicité " visant à désorienter l'attention des congolais. Cette semaine, des violents affrontements en armes lourdes et légères ont fait rage dans les localités de Bwiza et sur d'autres axes. Les terroristes du M23 ont, pendant ce temps, récupéré la cité d'Ishasha, dans le territoire de Rutshuru. Selon les sources locales, ces terroristes progressent vers le Masisi. Toutes fois, les forces congolaises disent répliquer aux provocations du M23 pour protéger l'intégrité du pays.
Serge SINDANI
Cet article Résurgence du M23 et soutien rwandais à la rébellion : La crise en RDC parmi les conflits au monde à surveiller en 2023 est apparu en premier sur Politico.cd.
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