Les États Généraux de la Justice, annoncés avec fracas et promesses d'espoir, ne sont, aux yeux des syndicats des magistrats, qu'une scène orchestrée, un théâtre brillant de feux artificiels mais privé de flamme véritable. Sous les auspices du ministre de la Justice, Constant Mutamba, ces journées de débats ne semblent qu'un miroir aux alouettes, un simulacre de réforme où la grandeur des mots masque la vacuité de l'acte.
À l'instar des écrits de Françoise Giroud, qui voyait dans le pouvoir une comédie cruelle où les masques de l'ambition et de l'orgueil se superposent à la sincérité, cette scène congolaise expose la tragédie humaine dans toute sa splendeur factice.
Giroud disait que le pouvoir séduit puis asservit ceux qui l'exercent, les plongeant dans l'illusion de leur propre importance, les aveuglant à la réalité. Ici, en RDC, la "comédie du pouvoir" est encore plus déchirante, car elle joue avec les espoirs d'une nation en quête de justice, égarée dans le labyrinthe des promesses trahies.
Les magistrats se souviennent des États Généraux de 2015, des 350 recommandations comme autant de serments gravés sur le papier et condamnés à s'éteindre dans l'oubli. Huit ans après, avec un taux d'exécution de 0,8 %, ces vux sont restés lettres mortes, témoins muets d'une volonté politique fugace.
À l'image d'une blessure non cicatrisée, cette nouvelle mascarade ne fait que raviver le désenchantement, exacerbant la douleur d'un corps judiciaire qui se sent méprisé, utilisé dans un jeu de pouvoir où la sincérité n'est qu'un ornement jeté en pâture au peuple.
Plus amère encore est l'assemblée elle-même : une foule de 3 500 âmes, où brillent les visages juvéniles des étudiants et des militants politiques, conviés non pour leurs voix mais pour leurs applaudissements, leurs présences soumises et leur ferveur à louer une pièce dont ils ignorent le texte.
Comme un ballet d'ombres, cette composition hétéroclite renvoie l'image d'une foule docile, rendant à ces États Généraux l'apparence d'un meeting, une sorte de cortège muet où le droit et la justice deviennent simples spectateurs, laissés hors scène.
Et tandis que les véritables artisans de la justice, venus des provinces reculées, affrontent des conditions précaires, l'ombre d'un secrétariat technique inconnu plane sur les débats, intensifiant le parfum d'une manipulation sournoise.
La brièveté des ateliers, l'absence de consultations clés, tout semble destiné à laisser peu de place à l'intensité des discussions, aux vérités acides qui s'immiscent quand la lumière éclaire les recoins de l'injustice.
Dans cette "comédie", la RDC dévoile ses propres cicatrices : la justice, loin d'être restaurée, est enfermée dans une impasse, comme une rose fanée entre les mains d'un comédien trop empressé de finir sa scène. Et la nation observe, impuissante, tandis que les promesses de réforme se diluent dans les paroles des discours, qu'elles s'égarent dans les méandres de l'apparat politique.
À cette nation, Giroud aurait sans doute offert ce conseil : le pouvoir doit s'alléger de ses masques, abandonner sa scène artificielle et ses jeux de dupes pour embrasser la pureté d'un engagement vrai. Et c'est cet appel à une prise de conscience, un engagement profond et sincère, que les magistrats congolais, porteurs d'une vérité silencieuse, adressent au pouvoir en place. Car pour que la justice s'élève, il faut cesser de jouer et consentir à bâtir.
Ainsi, les États Généraux de novembre 2024 apparaissent tels des miroirs trompeurs, une "comédie du pouvoir" où les vérités se heurtent aux mensonges, et où la justice, elle, attend son heure, espérant qu'un jour, enfin, la pièce cesse d'être jouée pour devenir réalité.
Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/La-tragedie-d-une-justice-captive-la-comedie-du-pouvoir-en-RDC.html
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