Lors d'une intervention publique devenue virale, Kazadi a affirmé que, dans certains cas, des fonds alloués à des projets de développement sont partagés entre responsables avant même que les projets ne soient exécutés.

Une bombe institutionnelle, en théorie. Dans un pays régi par l'État de droit, une telle confession â€" faite par un ancien haut gestionnaire de la chose publique déclencherait immédiatement une enquête judiciaire, parlementaire ou même administrative. Pourtant, dans le silence le plus total, ni le parquet, ni l'Inspection Générale des Finances (IGF), ni le ministre de la Justice Constant Mutamba n'ont jugé utile de réagir.

Ces propos soulèvent une double hypothèse simple et implacable :

  1. Si Kazadi a menti, alors il a volontairement jeté le discrédit sur les institutions publiques et sur la gestion des fonds de l'État. Cela constitue une infraction punissable en vertu du Code pénal congolais, comme ce fut le cas de Jean-Marc Kabund, ancien vice-président de l'Assemblée nationale, condamné à plusieurs mois de prison pour avoir " propagé de fausses informations et insulté le Chef de l'État ".

  2. Si Kazadi a dit la vérité, alors le ministre de la Justice devrait, en toute logique et responsabilité, ordonner des enquêtes et traduire en justice les personnes impliquées dans ces malversations. Il en va non seulement de l'image de l'administration publique, mais aussi de l'engagement constitutionnel à lutter contre la corruption.

Mais aucune de ces voies n'a été empruntée. La situation est gelée, comme si de rien n'était. Le silence judiciaire, politique et institutionnel est assourdissant.

Ce vide réactionnel est plus qu'un oubli ou un manque de coordination. Il est symptomatique d'un État qui s'accommode du non-droit, d'un système qui tolère la parole politique seulement lorsqu'elle sert à faire diversion  jamais lorsqu'elle expose la vérité embarrassante.

Le rôle d'un ministre de la Justice ne se limite pas à prononcer de beaux discours ou à inaugurer des séminaires sur la réforme judiciaire. Il implique la capacité de prendre des décisions courageuses, y compris contre ceux qui sont ou ont été dans le sérail du pouvoir. Constant Mutamba, qui s'est présenté comme un réformateur et un homme fort du nouveau gouvernement, a ici manqué l'occasion de démontrer sa volonté de rompre avec l'impunité

Laisser passer de telles révélations sans suite, c'est établir un précédent grave. Cela signifie que les acteurs politiques peuvent reconnaître publiquement leur implication (ou leur connaissance) de détournements sans risque de représailles. Cela démobilise les institutions de contrôle comme la Cour des comptes, l'IGF ou encore l'Assemblée nationale, censées jouer un rôle actif dans la reddition des comptes.

C'est aussi envoyer un message inquiétant à l'opinion publique : la justice congolaise ne frappe que les faibles ou les opposants. Un ancien ministre peut accuser implicitement ses collègues de détournement de fonds publics et repartir tranquillement sans être inquiété, tandis que d'autres croupissent en prison pour des propos ou des dénonciations de moindre portée.

À terme, c'est la banalisation de la corruption qui se consolide. Une normalisation de l'inacceptable. Un aveuglement stratégique qui pourrait coûter cher à ceux-là mêmes qui prétendent lutter contre la mauvaise gouvernance. Car l'impunité d'aujourd'hui nourrit la révolte de demain.

Dans une démocratie réelle, chaque déclaration comme celle de Kazadi serait traitée avec sérieux. Non pas parce qu'elle choque l'opinion, mais parce qu'elle touche à l'essence même du contrat social : la gestion transparente des ressources publiques.

L'affaire Kazadi, ou plutôt l'absence d'" affaire " malgré ses propos, est un miroir de la justice à deux vitesses en RDC. Elle interroge la sincérité des discours sur l'État de droit. Elle alerte sur une institutionnalisation du silence face aux scandales. Et surtout, elle appelle à une responsabilité collective : celle de ne plus banaliser l'impunité quand elle est proférée… par ceux qui en ont jadis été les garants.

 

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Source : https://kivuavenir.com/analyse-revelations-sans-suite-ce-que-le-silence-autour-des-propos-de-nicolas-kazadi-revele-sur-letat-de-droit-en-rdc/