Avec un sens aigu de la responsabilité morale et intellectuelle, il appelait à une gestion prudente et équilibrée d'une crise d'une complexité exceptionnelle, où s'entrelacent rivalités ethniques, enjeux militaires et drames humanitaires.
Sa réflexion, empreinte de discernement et de gravité, soulignait l'impérieuse nécessité de fonder toute interprétation sur des faits rigoureusement vérifiés, et de s'abstenir de toute amplification tendancieuse susceptible de nourrir la haine et la vengeance.
Par cette exhortation, Monseigneur Ngabu ne se contentait pas de dénoncer les dérives de l'information, il élevait également le débat vers une exigence éthique et humaniste, préfigurant les principes de responsabilité et de vérité indispensables à toute démarche de paix et de réconciliation durable.
Dans le contexte dramatique que traverse la région des Grands-Lacs, il est impératif de suivre les événements avec un sens critique aigu afin de prévenir le triomphe de la vengeance et des représailles.
Cette exigence se fait particulièrement pressante au Kivu, où la population tutsi a déjà subi de lourds dommages et pourrait être tentée de mal gérer une certaine " position de force ".
Il est donc essentiel d'aborder la situation avec honnêteté, objectivité et un profond sens de responsabilité. Malheureusement, à mon sens, les deux documents récemment diffusés sur la région révèlent une approche partisane, irresponsable et, dans certains passages, malhonnête.
Des affirmations non étayées par des faits solides
De telles allégations graves ne devraient jamais se fonder sur des données approximatives ou vagues. De nombreux cas évoqués sont isolés, une femme, un homme, un vieillard, tandis que d'autres reposent sur des témoignages indirects ou supposés : " on m'a dit ", " on estime ", " un réfugié affirme ", " l'auteur aurait vu des milliers de squelettes ", " selon un témoin digne de foi "â¦
Une telle tendance à amplifier les faits à partir de quelques éléments peu ou pas vérifiables est non seulement irresponsable, mais dangereuse. Dans un contexte où la rumeur domine l'information, il devient facile d'imaginer des charniers partout et d'attribuer à une communauté entière des atrocités supposées.
Une lecture partisane et partiale de la crise
L'attitude de l'auteur des documents semble clairement partisane et anti-tutsi. Il peut s'agir d'une conviction de bonne foi, influencée par une idéologie tribaliste ou raciste, ou bien d'un dessein délibéré visant à discréditer l'alliance politique et le changement en cours au Zaire.
Comment expliquer, sinon, que cette alliance soit systématiquement accusée de tous les crimes, alors que les ex-FAR et certaines milices sont traitées comme de simples réfugiés, et que la barbarie des troupes zairoises soit ignorée ? L'auteur, pourtant familier des camps de réfugiés, semble passer sous silence le trafic d'armes et les entraînements militaires qui s'y déroulaient.
Les dangers d'une propagande malveillante
Cette approche tendancieuse, qui exacerbe la haine et entretient la confusion entre réfugiés et forces armées, est profondément préjudiciable. Pourquoi présenter systématiquement les faits sous l'angle du massacre des innocents, alors que des affrontements militaires impliquant deux armées sont en cours ? Pourquoi ne pas dénoncer l'usage des civils comme boucliers humains, tactique hélas fréquente dans ces conflits ?
Il est pénible d'intervenir sur un tel sujet, car il en va du respect dû aux morts. Mais manipuler l'opinion publique à travers leur mémoire est tout aussi grave, sinon plus, que le crime lui-même.
Semer ainsi la haine contribue à alimenter la vengeance dans une région (Ouganda, Zaire, Rwanda, Burundi) déjà lourdement endeuillée. À titre d'exemple, prétendre que la guerre actuelle dans l'Est du Zaire aurait causé quelque 500 000 victimes parmi les réfugiés hutu en seulement deux mois relève d'un alarmisme exorbitant, aux intentions que l'on peut difficilement qualifier autrement que de malveillantes.
La vérité, seule, peut constituer un facteur de réconciliation et limiter la propagation de la haine. Il appartient à chacun, et tout particulièrement aux médias et observateurs, d'agir avec rigueur, prudence et honnêteté dans le traitement des informations sur cette tragédie.
Monseigneur Faustin NGABU
Source : https://fr.igihe.com/Prudence-et-responsabilite-dans-l-information-sur-la-crise-des-Grands-Lacs.html
0 Commentaires